KORPSE / écriture collective / ENSATT 12'
Par Thibault Fayner le dimanche, septembre 23 2012, 17:44 - Ateliers
- Lien permanent
Comment se réunir à cinq auteurs et écrire collectivement une pièce ? C'est le défi que se sont lancés les écrivains de troisième année de l'ENSATT. Ils m'ont fait l'honneur de me demander de les accompagner dans leur projet. Retour sur le processus de création.
D’abord nous nous voyons plusieurs mercredi après-midi de
suite et nous tentons de définir les contours d’un projet. Il nous vient l’idée
d’ « écrire en temps réel », c’est à dire, écrire en fonction,
en rebond, d’un événement qui se déroule en même temps que nous écrivons. Nous
sommes en décembre 2011. L’événement congruent à notre travail, ce sont les
élections présidentielles dont la campagne commence à battre son plein. Nous
allons essayer d’écrire en rebond à cette actualité. Cela demande à chacun de
se tenir au courant de ce qui a lieu et de trouver des biais pour ramener cette
actualité dans son escarcelle de création.
Le défi est énorme. Ecrasant. Par ailleurs, nous nous voyons
peu et chacun est pris par ses projets d’écriture personnelle. Je propose que
nous envisagions une résidence d’écriture de quelques jours pour poser les
bases de cette pièce que l’on souhaite collective. Avec le soutien d’Enzo
Cormann et de Mathieu Bertholet, je prends contact avec la direction de la Chartreuse
de Villeneuve lez Avignon qui accepte de nous recevoir trois jours en avril
2012.




En préparation de cette résidence, je regarde des films qui
mettent en scène des destins croisés (Shortcuts)
ou des histoires successives dans une même ville (Les amours chiennes).
Je lis le peu de pièces collectives qui existent. Le terrain est quasi
vierge. Les protocoles sont à inventer. Je propose à chacun des cinq auteurs
d’écrire un drame bref de cinq minutes qui permette de faire émerger un ou plusieurs
personnages. Les contraintes du drame sont les suivantes : l’histoire se
passe à Lyon en 2012. La campagne électorale doit être présente dans le texte
même s'il ne s'agit que d'une toile de fond, d'une rumeur. Nous consacrerons
les trois journées de cette résidence à la Chartreuse à mettre en place ce
premier étage du drame, ces cinq histoires qui permettent de faire exister une
douzaine de personnages. Nous profitons de la dernière journée pour penser des
ponts, des échanges entre ces fictions et nous essayons d’écrire collectivement
certaines scènes.
Pour poursuivre ce travail, nous disposons d’un second temps de résidence, deux mois plus tard, à "Regards et mouvements" dans le Forez. Un matin de juin 2012, nous
nous agglutinons dans la voiture de Julie et nous quittons Lyon. Cap sur
Pontempeyrat. Nous voilà dans ce lieu idyllique, bucolique, merveilleux, en
altitude, au bord d’une rivière, dans une ancienne auberge, avec couchages en
caravane individuelle, la table y est bonne et généreuse, les membres de
l’association sympas et accueillants… C’est fin juin et les couleuvres rampent
avec langueur. Plaisir, plaisir… Et nostalgie aussi. A la fin de cette
résidence, Alan Payon, Adrien Cornaggia, Caroline Dumas de Rauly, Virgine
Berthier, Julie Rosselo-Rochet auront fini leur parcours à l’école lyonnaise.
Nous sommes en juin et cependant, il plane sur ces quelques jours un parfum de
fin d’été.

Nous découvrons la grande caravane jaune que Sébastien Roux et David Michelis ont mis à notre disposition. Derrière nous, la rivière. Devant nous, les massifs
plein d’épineux du Forez. Ce premier jour, nous cherchons une force centrifuge
qui permette de réunir les personnages des cinq drames écrits pour l’instant de
manière indépendante. Je propose que nous introduisions un « virus »
dans cette pièce. Ce « virus » baptisé provisoirement d’abord et
uniquement pour des raisons phonétiques le KORPSE est d’une nature
particulière : il ne s’observe pas physiquement ni par quelques
prélèvements que ce soit. En revanche, on peut être taxé d’être atteint du
KORPSE. Selon quels critères ? Si on a soudain un comportement inattendu,
hors norme, différent. Une fois désigné comme porteur du virus KORPSE, on est
aussitôt privé de ses droits civiques et mis en quarantaine.
Les jours suivants, nous travaillons à la propagation du
KORPSE dans les cinq drames. L’apparition du KORPSE nous permet de justifier a
posteriori le choix des cinq focales utilisées au départ : nous vous parlons
de ces personnages qui n’ont rien à voir les uns avec les autres parce qu’ils
ont tous en commun d’être confrontés au KORPSE. L’épidémie se répand et la ville
ne tarde pas à se munir des mesures de protection sanitaire adéquates. Les
personnages, plongés dans un même chaos, se retrouvent, tissent des alliances ou
au contraire s’opposent, se heurtent. Notre « liant » toxique fonctionne. Chaque auteur s’empare du virus pour explorer les enjeux qui lui
sont propres : normalité, déviance, éducation, engagement, amour,
manipulation…
Au terme de cette seconde résidence, nous disposons du
second étage de notre drame collectif. Nous repartons avec des devoirs de
vacances à rendre pour la rentrée. La pièce n’est pas encore finie. La
dispersion des uns et des autres ralentit l’expression du collectif. Bientôt, j’espère,
nous pourrons y mettre le point final.
Commentaires
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